Radioactivité : des sous-vêtements « chauffants » pour votre enfant ?

Chère lectrice, cher lecteur,

Entre 1900 et 1936, il était courant d’utiliser des produits santé… radioactifs !

À cette époque, vous pouviez boire une eau naturellement riche en radium, envelopper votre bébé dans des couvertures radioactives ou encore vous enduire de crème atomique rajeunissante[1].

Voici quelques exemples de publicités anciennes, qui vous feront peut-être sourire, mais qui sont toutes véridiques :

Eau minérale radioactive de Bussang : « déclarée d’intérêt public »

Laine Oradium : « une saine et douce chaleur radioactive. »

Burk & Braun : la barre de chocolat au radium pour des effets rajeunissants

Iradia : les sous-vêtements radioactifs du docteur Bauray

Aujourd’hui, on a plutôt tendance à considérer la radioactivité comme un phénomène dangereux et effrayant.

On pense à la bombe atomique sur Hiroshima, ou encore aux catastrophes nucléaires de Tchernobyl ou de Fukushima…

Mais ce n’était pas le cas il y a un siècle.

Après ma lettre sur l’iode en cas de catastrophe nucléaire, vous avez été nombreux à me demander des informations sur la radioactivité.

Voici un petit retour sur 126 ans de recherche sur cette étrange découverte un peu « bipolaire » sur les bords.

Portrait d’une particule « Dr Jekyll et Mr Hyde »

La radioactivité est découverte par hasard par le physicien français Henri Becquerel en 1896, alors qu’il étudie la phosphorescence de l’uranium.

C’est d’ailleurs en son hommage que l’unité qui permet de mesurer l’activité d’une source radioactive est nommée becquerels (Bq).

Becquerel découvre alors que l’uranium émet un rayonnement propre, capable de générer de la chaleur et d’impressionner des plaques photographiques (comme avec les rayons X découverts en 1895).

C’est ensuite grâce aux travaux de plusieurs chercheurs, tels que Marie et Pierre Curie, ou encore Ernest Rutherford, que la science découvre peu à peu la nature de ce curieux phénomène[2].

La radioactivité provient de différents atomes, naturels ou artificiels (uranium, radium, radon, polonium…) qui présentent des caractéristiques particulières : leur noyau est instable.

Rendez-vous dans 4,5 milliards d’années !

À l’état naturel, on trouve ces particules radioactives dans certaines roches et peut se retrouver dans l’eau ou les sols (sur ce site, vous retrouverez une cartographie détaillée de la radioactivité naturelle en France, par région).

Mais elles peuvent aussi être créées.

Contrairement à la plupart des éléments qui constitue la matière, ces atomes se désintègrent, libérant ainsi différents types de rayonnements : alpha (hélium 4), bêta (électrons) ou gamma (photons).

À force de se désintégrer, l’atome radioactif donnera naissance à d’autres atomes et deviendra de moins en moins radioactif. On parle alors de demi-vie d’un échantillon radioactif (ou « période radioactive »), c’est-à-dire le temps qu’il lui faut pour devenir deux fois moins radioactif.

Cette demi-vie peut être plus ou moins longue selon les éléments (seulement 8 jours pour l’iode 131 et 4,5 milliards d’années pour l’uranium 238 !!)[3].

On comprend mieux pourquoi, après une catastrophe nucléaire, certaines zones peuvent rester polluées pendant très très longtemps…

Voilà, de façon très simplifiée, ce qu’est la radioactivité. Si vous souhaitez avoir des explications plus approfondies, je vous invite à lire le dossier plus complet réalisé par l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Ce qu’il faut retenir, c’est que les scientifiques (et les industriels) voient très vite un grand potentiel (technologique, militaire et thérapeutique) dans cette nouvelle source d’énergie… si bien que de nombreuses inventions plus ou moins insolites en découleront.

Chocolat au radium et café radioactif… miam !

Au moment de sa découverte, les scientifiques ne se doutent pas des risques de la radioactivité sur la santé.

Tout au plus, Henri Becquerel remarque qu’un flacon de radium oublié quelques heures dans la poche de son gilet lui a brûlé la peau[4].

À l’inverse, bon nombre d’industriels et de médecins voient dans la radioactivité un formidable atout santé et commercial.

On trouve ainsi entre, 1900 et 1936, des dizaines de produits « miracle » et d’inventions farfelues qui utilisent les radiations[5] :

  • Des crèmes anti-rides, des savons « embellissants » et des dentifrices à base de thorium et de radium
  • Des eaux minérales naturellement radioactives « déclarées d’intérêt public », recommandées pour tous les maux et même à ajouter dans les biberons : une publicité affirme même que « si une femme en bois pendant 30 matins, elle se trouvera rajeunie de moitié. »
  • Des fontaines et cafetières radioactives qui permettent d’enrichir l’eau en radium
  • Des aliments riches en radium pour le bétail et des engrais pour les plantes
  • Des vêtements thermiques pour le ski et de la laine irradiée pour « tricoter la layette de bébé », lui conférant « une saine et douce chaleur radioactive »
  • Et même du chocolat radioactif !

Vous retrouverez davantage d’exemples illustrés dans cet excellent article.

Quand les médecins soignaient TOUTES les maladies avec les radiations

Ces utilisations étaient d’ailleurs bien souvent soutenues par les scientifiques. Ainsi le Dr Darier affirme en 1904, à l’Académie de Médecine, avoir « soigné un grand nombre de malades (sans avoir) jamais observé la moindre complication, le moindre effet nuisible attribuable au radium. »

Dans les années 1930, on prétend même pouvoir guérir à peu près tout et n’importe quoi grâce au radium. On trouve alors des prescriptions médicales de radium contre l’arthrite, l’hypertension, le diabète

Le médecin James Case, pionnier dans le développement de la radiothérapie, a d’ailleurs reconnu avoir « donné des transfusions sanguines, et d’autres traitements de soutien » radioactifs pour traiter différents problèmes de santé : maladies cardiaques, ulcères, dépression…

En 1934, Marie Curie elle-même citait comme « thérapeutiques médicales » la consommation, l’inhalation et l’injection en intraveineuse de radon[6].

Fausses promesses et vrais dangers : elle révèle sa face sombre…

En 1927, le généticien et Prix Nobel de médecine Hermann Joseph Muller découvre que les radiations des rayons X ont des effets mutagènes sur l’organisme[7].

Cependant, cela n’alerte pas la communauté scientifique quant aux risques des rayonnements radioactifs, qui seront encore couramment utilisés dans l’industrie pendant près de 10 ans.

Ce n’est qu’au milieu des années 1930, à la suite de nombreux décès suspectés d’être liés à ces produits au radium, que cesse enfin cette mode dangereuse.

L’enthousiasme retombe vite…

Aujourd’hui, nous savons que la radioactivité peut avoir des effets graves sur la santé qui peuvent varier selon le type de particule, la dose, la durée d’irradiation et le mode de contamination (ingestion, inhalation, contact cutané)[8] :

  • Vomissements et nausée en cas d’exposition rapide
  • Décès par œdème cérébraldestruction de la moelle osseuse ou de la paroi digestive en cas de forte exposition
  • Augmentation du risque de divers cancers sur le long terme (notamment cancer de la thyroïde en cas d’absorption d’iode radioactif)

Les rayonnements radioactifs sont d’ailleurs classés cancérogènes avérés pour l’homme.

Source d’énergie destructrice et créatrice

Les propriétés de la radioactivité, n’ont pas seulement intéressé les médecins, mais aussi les ingénieurs, qui ont mis au point des procédés pour tirer profit de cette formidable source d’énergie.

Ils découvrent comment enrichir l’uranium pour le rendre beaucoup plus instable et provoquer un éclatement du noyau de l’atome (fission nucléaire) capable de libérer une immense quantité d’énergie.

Cela est d’abord utilisé à des fins militaires…

Ainsi, les premiers essais d’une bombe atomique sont effectués par les États-Unis en 1945, avec les conséquences catastrophiques que l’on connaît.

Puis, au début des années 1950, les premières centrales nucléaires voient le jour, aux USA, en Russie, en France, au Royaume-Unis et finalement dans le monde entier.

Aujourd’hui, on estime que seulement 10 % de l’électricité dans le monde provient des centrales nucléaires (contre 62 % des combustibles fossiles et 26 % des énergies renouvelables).

Mais cela est très variable d’un pays à l’autre, puisque 67 % de la production d’électricité française est issue du nucléaire[10].

Cette source d’énergie est désormais contestée, notamment à cause des risques de catastrophe sanitaire (comme à Tchernobyl ou à Fukushima) et parce qu’elle génère des déchets radioactifs qui perdureront pendant des milliers d’années.

Aussi des bons côtés

Après l’émulation autour de la radioactivité des années 1900 et la grande peur qu’elle a provoquée dans les années 1940, les scientifiques étudient plus sérieusement les effets de ces rayonnements sur la santé.

Cette fois-ci, on est loin des promesses charlatanesques du début du siècle.

Dès 1950, on découvre qu’une utilisation en milieu médical, ciblée et à faible dose, peut avoir un véritable intérêt thérapeutique.

C’est la naissance de la médecine nucléaire.

Elle est aujourd’hui utilisée pour[11] :

  • Poser un diagnostic : on injecte des traceurs faiblement radioactifs chez le patient. Leurs rayonnements permettent de reconstruire une image précise de l’activité des organes malades, d’estimer la gravité d’un problème et de détecter d’éventuelles récidives (pour les cancers, maladies cardio-vasculaires et neurologiques)
  • Pour traiter des maladies : le patient avale ou se fait injecter de faibles doses radioactives qui s’attaque aux tissus malades. C’est la radiothérapie, utilisée contre certains cancers (thyroïde, prostate, foie…)

3 enseignements à tirer de cette histoire

À l’heure où le risque de catastrophe nucléaire revient au centre de l’attention, j’espère que cette lettre vous aura aidé à mieux comprendre la radioactivité, ses risques et ses atouts.

Son histoire étonnante permet aussi de prendre du recul sur la recherche scientifique et de relativiser certaines prises de positions dogmatiques :

  1. Tout ce qui est naturel n’est pas sain : cela dépend de la dose, et surtout de la façon dont on l’utilise. Ainsi, la radioactivité, bien utilisée, peut s’avérer précieuse, mais ce phénomène naturel peut aussi être extrêmement toxique. Il n’a pas sa place dans des crèmes anti-rides ou dans des vêtements chauffants.
  2. Il faut éviter d’avoir un avis trop tranché sur les choses : en 1900, la radioactivité permettait de soigner toutes les maladies, en 2020 elle est un danger pour notre société et nous devrions cesser de l’utiliser. Mais on l’a vu, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Oui, la radioactivité est responsable de milliers de morts, mais c’est aussi grâce à elle que nous avons tous de l’électricité dans nos foyers.
  3. Ce n’est pas parce que les scientifiques nous disent que c’est sans danger qu’ils ont raison : des médecins et des chercheurs ont vanté pendant 30 ans les bienfaits de la radioactivité et assuré qu’elle était sans risque… avant que l’on découvre la vérité. Malheureusement, l’histoire ne fait que se répéter. Rappelez-vous l’amiante, le Médiator, etc. Il faut parfois des années, voire des dizaines d’années, pour connaître les vrais effets d’une technologie sur notre santé. À méditer à une époque où on installe des antennes 5G partout et où on nous dit sans le moindre recul que des vaccins expérimentaux sont sans danger

Amicalement,

Florent Cavaler





[1] Les « pouvoirs miraculeux » de la radioactivité, Dissident-Média.
[2] Explication du phénomène, Andra.
[3] Les bases de la radioactivité, Institut de radioprotection et de sûreté nucéaire (IRSN).
[4] Les « pouvoirs miraculeux » de la radioactivité, Dissident-Média.
[5] Idem.
[6] Idem.
[7] Gleason, Kevin M, Hermann Joseph Muller’s Study of X-rays as a Mutagen, (1926-1927), The Embryo Project Encyclopia, 4 juillet 2018.
[8] Jean-Luc Nothias, Quels sont les risques de la radioactivité ?, Le Figaro, 27 mars 2011
[9] Radioactivité (rayonnements ionisants) et cancer,Cancer et environnement, 4 novembre 2019.
[10] Bilan électrique 2020, Production, RTE.
[11] Médecine nucléaire, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), 21 août 2020.

12 réponses à “Radioactivité : des sous-vêtements « chauffants » pour votre enfant ?”

  1. Sylvie HEBERT dit :

    C’est en 1896 pour M.Becquerel et non en 1986. Je pensr que vous avez fait une erreur de frappe. Article très intéressant.
    Cordialement,

  2. Fati dit :

    Merci pour votre article. On se demande toutefois , quels sont les effets d’une radio fréquence destinée aux soins esthétiques?

  3. Titi dit :

    Article très interressant !
    Excellente conclusion.
    Merci

  4. laetitia tiranzoni dit :

    Bonjour,
    Simplement merci Florent Cavaler pour vos partages d’informations.
    Laetitia

  5. ANDREI dit :

    Au début du siècle dernier, il y a eu un temps entre les découvertes néfastes de la radio-activité et l’arrêt de son utilisation.
    Il se passe la même chose pour la chimio-thérapie, on a des études (sans conflits d’intérêts )qui prouvent de son inutilité et même de sa dangerosité, mais combien de temps avant son arrêt.
    Et je ne parle pas de la vaccination qui est devenue une religion et qui n’a rien de scientifique (j’ai 50 ans d’études sur des rapports sur la vaccination, un médecin généraliste a 4 heures d’études sur le calendrier vaccinal et je me demande quand va-t-on réagir).

  6. Joël CALMET dit :

    Vous devriez vous renseigner un peu plus sur l’énergie nucléaire , sur les déchets, sur la réalité des « catastrophes nucléaires » et sur les contestations contre le nucléaire industriel.
    Je vous conseille sur ce sujet de visionner les vidéos du « réveilleur » sur YouTube (mais il n’est pas le seul) qui sont extrêmement bien conçues et documentées et vous verrez que beaucoup de bêtises sont dites par les opposants aux centrales nucléaires, sur les déchets et également sur Fucoushima qui ne fut absolument pas un Tchernobyl 2.0… c’est un sujet d’une grande complexité et il ne faut pas prendre les ingénieurs qui y travaillent pour des demeurés… ils sont plus au courant que nous des problèmes et ils travaillent en permanence à les résoudre avec talent. Le « bon nucléaire » n’est pas que médical et même il n’est surtout pas médical.

  7. Bouhalla dit :

    Bonjour
    Article extraordinaire juste une petite erreur de frappe sur l’année de découverte de la radioactivité
    Cordialement

  8. Myriam Servier Puyet dit :

    Très intéressant, une fois de plus. Je vous lis toujours avec plaisir, bien que j’en aie rarement le temps.
    Que Dieu vous protège et vous bénisse pour votre implication en faveur de la vérité, pour la santé de tous.

  9. JEAN-CLAUDE TRAN dit :

    Bonjour Mr Cavaler,
    Vos articles sont tjs instructives. Merci de nous les avoir partagés. Continuez à nous faire profiter de vos analyses. justes.
    Merci

  10. Magali Pouchard dit :

    Bonjour et merci pour vos mails très intéressants ! Néanmoins j’ai cru relever une erreur au début de celui-ci : becquerel aurait découvert la radioactivité en 1986 … je pense que c’est une coquille : 1896 … mise à part cette petite erreur, les vêtements radioactifs c’est une découverte ! Merci encore pour ces petits bulletins d’informations que j ai toujours plaisir à lire !

  11. Jean FITO dit :

    les aiguilles de radium pour soigner les cancers, de la langue entre autres, qui restaient ensuite dans la chair…
    j’ai des sciences et vie de l’époque

  12. Bebert dit :

    1986=1896

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