Des choux de 35 kilos ! Le secret d’un agriculteur mexicain

Chère lectrice, cher lecteur,

Cet homme n’a pas reçu de prix Nobel. Il n’a pas été invité sur le plateau des grandes chaînes de télévision. Il n’a pas fait la une de tous les journaux.

Pourtant, ses découvertes, si elles étaient rendues publiques, pourraient révolutionner complètement l’agriculture moderne.

Il s’agit de Don José Carmen Garcia Martinez.

Ce modeste paysan mexicain est parvenu à cultiver des légumes gigantesques et délicieux grâce à une technique très simple, respectueuse de la nature… et vraiment déroutante.

De quoi donner une belle leçon aux promoteurs de l’agriculture intensive qui détruit les sols et les plantes…

L’écrivain Didier Blonay avait raconté l‘histoire incroyable de cet homme dans un article de La Pharmacie secrète de Dame Nature.

Plutôt que de vous en faire un résumé, j’ai préféré partager avec vous le texte complet de Didier Blonay.

Et à la fin de cette lettre, je vous donne aussi un lien Youtube pour visionner un documentaire passionnant sur la vie de ce paysan précurseur.

Amicalement,

Florent Cavaler


Les légumes géants de Don José

par Didier Blonay

Université de Chapingo, à l’est de Mexico, un bureau fonctionnel et “moderne” du département d’agronomie. Face à face, l’ingénieur Nicolas Cerda, spécialiste de l’étude des sols, la quarantaine, chemisette blanche, et un homme pas “moderne” du tout d’allure, visiblement un paysan, son chapeau sur les genoux, corps trapu, visage rond tanné, petite moustache.

Que fait ce brave homme rustique dans ce haut lieu du savoir ?

Don José Carmen Garcia Martinez – c’est le nom complet du paysan, mais on l’appellera seulement Don José – n’est pas venu là de lui-même. C’est le recteur de l’université, le Dr Mendez Ramirez, qui a remarqué l’étonnant personnage dans des articles de presse.

On y racontait que Don José récoltait des légumes géants et obtenait des rendements incroyables.

« On parlait de betteraves énormes, de choux de 35 kilos. Pour moi, c’était une farce, ce n’était pas crédible », racontera l’ingénieur.

Seulement voilà, c’est lui, Nicolas Cerda, que le recteur désigne pour recevoir le paysan et examiner l’affaire de plus près. Et maintenant, Don José est là, avec son chapeau sur les genoux, arrivé le matin même de sa région volcanique plus au nord, au cœur du Mexique rural.

« Je suis chargé de conduire une expérience scientifique avec vous, lui dit l’ingénieur, mais il faudrait d’abord que j’en sache un peu plus sur vos méthodes, vos techniques. »

Le paysan Don José écoute l’ingénieur d’un air attentif et respectueux mais ne dit pas un mot. Il est clairement réticent, comme s’il voulait garder son savoir pour lui.

« Si vous ne me dites pas un peu vos secrets, insiste gentiment l’ingénieur Cerda, on ne pourra pas faire l’expérience. Les produits dont on parle à votre sujet n’existent pas, les spécialistes disent que vous vous moquez de nous. »

Soudain, Don José se met à rire avec sa bonne bouille plissée de malice. La glace est rompue, on sent qu’il va parler.

Mais pour dire quoi : révéler vraiment ses secrets, sa science mystérieuse qui lui permet, paraît-il, de sortir de terre à profusion des légumes géants ?

« Je me suis mis à l’école de la vie »

Si l’histoire, alors, ressemble plutôt à un conte pour enfants, du genre Jack et le haricot magique, elle semble pourtant assez sérieuse pour motiver l’intérêt de la faculté d’agronomie. C’est d’autant plus curieux que Don José a quitté l’école de bonne heure et sait tout juste lire.

Mais il n’y a pas qu’une seule façon d’être savant et de faire des découvertes. Don José, c’est un homme simple et intelligent, qui réfléchit quand il travaille, et son travail à lui, c’est de semer et récolter des légumes. « Je me suis mis à l’école de la vie », dit-il de sa voix paisible.

Il s’y met avec humilité, tout jeune, en 1969. Le résultat ne lui tombe pas tout rôti dans le bec, c’est seulement en 1973 que ses récoltes commencent à attirer l’attention quand il vient vendre ses légumes sur les marchés.

Le plus spectaculaire, évidemment, c’est la taille de certains spécimens de sa production, par exemple des betteraves, des choux, des oignons. Peut-être pas aussi magiques que le fameux haricot, mais positivement géants ! Que penser, en toute franchise, d’un chou pesant 35 ou 40 kilos, d’un oignon gros comme une tête d’homme ?

Mais le plus étonnant, c’est l’explication de Don José quand on l’interroge.

« Il faut échanger avec les plantes, leur parler, c’est ce que je fais, déclare-t-il à ses interlocuteurs médusés. »

« Et alors, lui demande-t-on avec un brin d’ironie, elles vous écoutent parler, vos plantes, puis elles vous parlent, elles aussi ? »

« J’ai commencé par m’asseoir auprès d’elles, répond le paysan, imperturbable. Je me suis mis à les observer, je leur demandais de m’aider. Les plantes, vous savez, c’est comme tout ce qui vit, elles ont une forme d’intelligence qui leur permet de communiquer avec nous. Il suffit de les écouter. Parfois, la nuit, je sens que mes plantes ont soif, alors je me lève, je marche jusqu’au champ et je les arrose. »

Mexique, terre de magie et de vie

De quoi faire sourire les esprits cartésiens, bien sûr. Don José a d’emblée adopté une attitude qui peut nous paraître curieuse, mais il faut rappeler que tout cela se passe au Mexique, terre imprégnée d’une sorte de magie ancestrale et familière, dont les racines remontent parfois aux Aztèques.

Là-bas, la terre pour les gens est vivante, et tout ce qu’elle porte aussi. C’est ainsi qu’aux yeux de tous, Don José devient “l’Homme qui parle avec les plantes”. Le peuple s’en étonne à peine, au contraire des intellectuels, on l’a vu, plus que perplexes.

La réalité va finalement mettre tout le monde d’accord : les faits sont là, Don José produit réellement des légumes et végétaux dépassant tout ce qu’on connaît : des choux énormes, on l’a vu, des betteraves de quatre ou cinq kilos, des maïs de cinq mètres, des blettes d’un mètre et demi… Et les rendements, à la faveur de ce gigantisme, sont hallucinants : jusqu’à 150 tonnes d’oignons à l’hectare, contre 16 tonnes en moyenne dans la même région.

On comprend que le recteur de l’université de Chapingo ait fini par s’intéresser au phénomène, au point de demander à Don José, en 1986, s’il voulait bien se prêter à des expérimentations sous l’œil de la science.

Et le paysan a dit oui.

Modeste, avouant son peu de bagage scolaire, il a pourtant confiance en son savoir, acquis par l’observation. Par la connaissance, aussi, des Anciens, Aztèques compris.

Dans les années qui suivent, agronomes, chimistes et ingénieurs de diverses disciplines se relaient pour observer les activités du paysan, maintenant célèbre dans tout le Mexique. On organise même, entre les experts et lui, des concours de production agricole portant sur différentes plantes.

Et chaque fois, Don José obtient des rendements écrasant la concurrence. Avec des légumes qui de surcroît sont meilleurs au goût, de l’avis général.

Alors les spécialistes, qui parlent un langage si différent, sont bien obligés d’écouter les explications étranges du paysan. Mais sont-ils si irrationnels, ses arguments ?

Les explications de Don José

« Les gens qui ne développent pas leurs cultures sont ceux qui ne changent pas leur manière de penser, dit-il. Les plantes ont une vie comme n’importe quelle personne, n’importe quel animal. Il faut apprendre à les connaître, les traiter avec douceur, elles le comprennent. »

Est-ce si fou d’affirmer, comme il le fait encore, que les plantes ont des affinités, qu’il faut en tenir compte en faisant voisiner des espèces et variétés compatibles ? Est-ce si déraisonnable de dire comme lui, joliment, que les plantes sont capables de s’aimer entre elles, faute de quoi elles ne se reproduiraient pas ? Et que lui opposer quand il dit que les hommes ne doivent plus maltraiter la terre mais chercher à s’accorder à elle ?

On pense à tous ces engins agricoles démesurés qui défoncent les sols sous prétexte de mieux les rentabiliser… Mais Don José tient aussi quelquefois des propos plus précis et plus techniques.

« Je ne crois pas, dit-il, aux fertilisants chimiques massifs, parce qu’ils brûlent la terre. Quant aux pesticides, il faut aider la plante à se protéger elle-même. Avec les insecticides et les fongicides, l’homme s’est éloigné de la terre et s’est opposé à elle. »

Renforcer l’immunité des plantes

Ce qui semble donner une “force tranquille” à Don José, c’est qu’il n’a, comme il le dit, aucune ambition commerciale. Il gagne sa vie et n’en demande pas plus, donnant volontiers une part de sa production, mais surtout, il pense être utile et souhaite l’être.

Et c’est pourquoi il a accepté, en 1986, de travailler avec la principale université agronomique de son pays. Et de fait, ses performances y ont trouvé un retentissement dépassant les frontières du Mexique.

Au fil des conversations avec l’ingénieur Nicolas Cerda, Don José révèle quelques petits secrets, qui n’ont d’ailleurs rien de mystérieux. Avec les modes de monoculture intensive – il n’est pas le seul à le dire –, on épuise et on empoisonne les sols.

Mais on affaiblit aussi, affirme-t-il, les défenses naturelles des plantes. L’homme n’est pas, pour autant, extrémiste dans ses convictions.

« J’utilise parfois moi-même un fertilisant, du sulfate de manganèse chimiquement pur, à raison d’un kilo dilué dans 200 litres, pour un hectare et demi. À titre de comparaison, l’agriculture moderne utilise couramment plus de 200 kilos de fertilisants chimiques à l’hectare. »

De la sorcellerie ?

Au cours de ses longs débats avec l’ingénieur, Don José livre des secrets plus “sorciers”. Il est convaincu que les plantes ont besoin pour croître non seulement de pluie mais aussi de “l’énergie cosmique”.

C’est l’aspect de son discours qui convaincra le moins certains : il s’est mis à utiliser aussi le pendule pour agencer ses cultures et placer dans le sol, selon certaines configurations, des disques métalliques censés capter et concentrer l’énergie cosmique et orienter les phénomènes magnétiques.

Quand on lui demande, enfin, s’il croit avoir reçu mission de reverdir la planète, il répond que c’est le devoir de tous les humains. Quant à lui, il pense que sa méthode peut montrer le chemin pour que la planète soit en mesure de nourrir ses populations, notamment avec ses légumes plus gros et à haut rendement. Il est persuadé que l’agriculture va beaucoup progresser et qu’on va créer de nombreuses plantes nouvelles.

Évidemment, l’industrie agro-alimentaire va plutôt faire la sourde oreille, mais les idées font leur chemin et on ne peut rien contre elles, surtout quand elles sont pleines de bon sens.

L’agriculture biologique trace son sillon, on voit revenir le cheval dans certaines cultures. Qui pourra freiner cette tendance si, à l’image de Don José, les méthodes naturelles s’avèrent non seulement plus rentables mais aussi plus productives ? On a le droit, mais oui, d’être optimiste.

Vous aussi, cultivez de beaux légumes

On ne peut détailler tous les petits secrets de Don José, et c’est surtout une pensée d’ensemble qu’il faut retenir. Mais il indique toutefois quelques dispositions qui pourront vous être utiles si vous avez un jardin potager.

Ainsi, pour les haricots en particulier, il ne sème pas à 7 ou 8 cm de profondeur, mais à 20 cm – comme faisaient les Anciens.

Après avoir semé, Don José ne passe pas avec un engin ou un ustensile lourd pour refermer les sillons, il utilise des branchages pour étaler la terre en douceur, en y attelant un âne pour traiter les grandes parcelles.

Enfin, il faut d’après lui verser le fertilisant au douzième jour d’émergence des pousses, comme il le fait lui-même pour les haricots et le maïs, puis il faut irriguer immédiatement…

Mais en toute chose – et c’est le principe majeur de Don José –, on doit d’abord se fier à ce que “demande” la plante elle-même, parfois au mépris des règles admises. Car ce ne sont pas les plantes et la terre qui doivent se plier, mais l’homme qui doit s’adapter. On a vu par quel développement et quels rendements le paysan est payé de retour.

Pour en savoir plus sur la folle histoire de Don José Carmen, je vous invite à regarder le magnifique documentaire « L’homme qui parlait avec les plantes », disponible sur Youtube à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=c6ihNswCfpQ

Didier Blonay





3 réponses à “Des choux de 35 kilos ! Le secret d’un agriculteur mexicain”

  1. Jean-Michel COGET dit :

    Après une première recherche, je constate que le site de l’Université de Chapingo ne parle pas de l’ingénieur Nicolas Cerda.

    Avez-vous une explication ou des références et des publications prcisesz à me communiquer ?

  2. patricia tisserand dit :

    En effet il faut savoir observer la nature et lui permettre de se défendre et d’avoir une bonne rentabilité en associant certaines plantes ,en respectant la rotation des cultures, en multipliant les différentes sortes de plantes et non pas faire de la monoculture.Ainsi il n’y a pas besoin de pesticides et tous ces « cides « de la mort..bravo et protégeons ces paysans et sages protecteurs des cultures et de la nature .Enfin on commence à réfléchir et prendre au sérieux ces pratiques respectueuses .

  3. Evelyne dit :

    Alors là, je suis bouche bée! C’est extraordinaire! Comment cet homme simple apparemment, sait tout cela? Il semble avancer à l’instinct et ça lui réussit. Comme quoi la science a encore du chemin à faire avant de tout expliquer. Ce qui m’interpelle entre autres c’est de planter les legumes si profond dans la terre, car dans la nature les graines tombent sur le sol et ne sont pratiquement pas enterrées. A-t-on essayé dans d’autres pays d’appliquer les conseils de Don Jose? J’ai un million de questions car je ne mets pas en doute cette histoire, dans vos pages elle n’aurait pas sa place si c’était une supercherie, n’est-ce pas?

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